Portrait de Frédérique Poulin
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Vendredi matin 1er avril. L’hiver se fait tardif cette année. Je reviens tout juste d’une sortie matinale de touring entre filles, pour le plaisir. C’est dans le thème du jour, car à 11 h je rencontre une passionnée de plein air qui tout comme moi partage un fort sentiment d’appartenance à cette communauté. Milieu qui encore aujourd’hui note une sous-représentation de la femme dans ses rangs.
Frédérique Poulin est souriante, timide de parler d’elle et de son parcours. De mon côté, je m’attendais clairement à rencontrer une guide de ski étant donnée la nature de la formation qu’elle a suivie. Actuellement professeure au Cégep de Gaspé à la technique du tourisme d’aventure, Frédérique Poulin a un parcours un peu différent de celui de ses collègues de formation. C'est ce qui est intéressant, inspirant et intriguant.
Pour elle, le plein air a toujours fait partie de sa vie. Cette tradition familiale l’a mené à s’inscrire à un cours complémentaire à son passage au Cégep: une expédition de 18 jours en plein air qui combinait plusieurs disciplines comme la course à pied, le canot, la randonnée, etc. Son impression de l’expédition lorsqu’elle l’a complétée? « Époustouflant! » C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à s’inscrire au Baccalauréat en intervention plein air à l’Université du Québec à Chicoutimi.
Travailler pour le plein air dans l'envers du décor
C’est après l’obtention de son diplôme que son avenir se dessine tranquillement. Alors qu’elle croyait se diriger vers un métier de guide, la vie l’a mené à se joindre à l’équipe de Pink Water, une communauté féminine de kayakistes d’eau vive. C’est à ce moment que les métiers behind the scene en gestion et coordination d’événements dans le milieu du plein air s’ouvrent à elle.
Maintenant à la maîtrise en gestion de projet, Frédérique occupe ses étés à voyager dans l’Ouest canadien pour s’occuper d’un programme de leadership dans un contexte de plein air d’aventure offert au cadet de l’Armée canadienne. Elle y a rencontré plusieurs guides membres de l’Association canadienne des guides de montagne (ACMG) avec qui elle a pu apprendre, discuter aussi de leur réalité et de leur parcours. Ces rencontres lui ont permis de réaliser que « si je voulais évoluer dans mon domaine, je devais mieux comprendre le quotidien des gens sur le terrain. Je devais donc moi aussi y retourner, développer mes connaissances ». Avec son expérience, ses emplois plus axés sur la gestion des risques et le cumul des sorties de touring sur les sommets de la Gaspésie au courant des derniers hivers, la formation d’opération en avalanche allait de soi.
Grâce à son bagage, elle a su se démarquer et relever le défi pour compléter la formation. Sa détermination lui a permis de terminer le cours avec la plus haute note et ainsi remporter la Bourse Alexandra Oberson. La formation de sept jours est très engageante physiquement, mentalement et financièrement. L’incitatif d’une bourse, qui en plus encourage la relève féminine dans le milieu du plein air, est une grande source de motivation.
Un milieu encore trop masculin
Bien qu’elle ait toujours côtoyé des gens ayant une vision très égalitaire des rôles, autant lors de ses études que dans ses milieux de travail, la jeune femme a pu observer certains comportements, commentaires sexistes sur le terrain: « c’est tellement ancré dans la culture que c'est souvent très naïf. Toutefois, dès que c’est adressé, les gens le réalisent. Le plein air est un milieu encore masculin, il y a donc certaines croyances qui font en sorte que les femmes sont moins prises au sérieux et manquent de soutien ». Selon elle, il ne faut pas se mettre de barrière en tant que femme et croire en ses capacités. Le syndrome de l’imposteur est encore trop présent.
L’idée d’avoir un mentor féminin avec qui se rallier, s’inspirer et apprendre est une excellente solution pour évoluer et faire sa place. Lors de ses études, elle a eu la chance d’avoir d’excellents modèles féminins. Frédérique souligne « qu’il ne faut jamais hésiter à contacter une personne qui vous inspire car on ne sait jamais ou ça peut vous mener ». C'est une part de sa raison d’être de la bourse Alexandra Oberson : donner de la visibilité aux femmes qui sont malheureusement sous-représentées dans le milieu afin d’en inspirer d’autres à se lancer.
Le mentorat, les communautés, les groupes de femmes dans le milieu de plein air, toutes ces initiatives au féminin donnent tellement d’occasions d’accomplissement et de réalisation. Plus il y aura de programmes qui les encouragent et les soutiennent en rendant le plein air accessible, plus il y aura de femmes qui se lanceront. En toute confiance.